Hello,
nous sommes le samedi 6 octobre.
Après une journée de vendredi ensoleillée, une nuit de taf pas trop agitée et une courte nuit de sommeil entrecoupée de plusieurs réveils... mes yeux s'ouvrent définitivement, il est 12H15.
Malgré les prévis annoncées par météo france, le temps est au beau fixe, enfin à Pacé tout au moins.
Au travers de la fenêtre la route est sèche et une légère brise fait bouger les feuilles et les petites branches des arbres en bordure de chaussée. Pendant mon p'tit déj je jette un regard en diagonale sur mes mails, messenger et mes textos... un vrai ministre, mais sans la paye !
Clément ayant pris la mégane la veille, j'hésite à la prendre et puis comme les webcams du sillon sont cleans à St-Malo, je me dis qu'au pire seul le retour sera humide.... si j'avais su ! Bref, moi et mes décisions à la con parfois, mais c'est moi, on ne me changera pas ou plus.
J'enfile le blouson, le casque et les gants, je range dans le top case ma combi, mes lunettes, un bonnet, mes 1/2 paddles, mon tour de cou, une serviette et j'enquille direction le décath de St-Jouan. J'avais réservé l'avant-veille une bouée de repérage de plongée pour être visible à
l'occasion de ma nat, en milieu naturel. Entre les planches à voile, surfeurs et bateaux, c'est plus prudent.
Vers St-Pierre, le casque commence à se maquiller de gouttelettes sommaires. Encore 20 minutes de route, on verra, je croise les doigts, l'horizon semble assez clair.
Déjà Chateauneuf, les gouttes s'accumulent...
A décath, je me pose sous un abri vélo pour garder le siège au sec. Je file récupérer ma bouée et je repars dans la foulée en direction du sillon.
A peine un kilomètre de fait et là... le déluge...
Je m'arrête dès que possible pour mettre mon pantalon de pluie mais il est déjà trop tard, je ne suis plus au sec... je ne tarde pas pour remettre les watts... le ciel est sombre et les mares fleurissent dans les portions creuses.
Je profite de mes "connaissances" pour stationner la bécane à l'abri, dans le garage du 22 de la rue du Calvaire... une adresse "originale" pour un établissement tel que celui ci, lol, bien sûr non sans avoir demandé l'autorisation du tôlier présent.
Mon pantalon est trempé, mon manteau bien sûr, les gants, le pull, le tee shirt aussi, sans oublier les chaussettes et même ma cagoule. Le retour va être très humide.
Je mets ma tenue de "combat", je gonfle ma belle bouée et après avoir rétréci la longe, je la fixe à ma ceinture pour prendre la direction de la plage. Il pleut, mais bon, en tenue de nat, ça ne me gêne pas le moins du monde.
Les badauds me regardent avec surprise depuis l'autre côté de la rue, à-demi cachés sous leur parapluie, le col remonté sous le menton ; il ne leur manquent plus que les gants et les bottes, ah ah ah.
Je traverse la route et me voilà sur le sillon. La mer est assez loin, mais en phase montante, j'aurai moins à marcher au retour. Le bonnet sur les oreilles j'installe les lunettes "Finis" et arpente les derniers hectomètres de sable pour aller prendre mon bain. L'eau est plutôt bonne, pour ne pas dire agréable. Quelques pas et je m'immerge ; bon là elle est moins chaude mais ça va le faire.
Je mets mes 1/2 paddles et je m'allonge pour entamer les premiers mouvements de crawl. Je sens quand même que ça va être long. La pluie m'empêche de voir le bout du sillon, ou tout au moins de le distinguer clairement. Sans assistance, je préfère rester proche du bord pour, en cas de soucis, sortir ou me poser sans difficulté. Le sol sableux se déroule sous mes yeux, l'eau est transparente, même si très salée.
Je ne cesse de penser à Marine, Dany, Perinne et Cyril, et les autres, ces stars de l'Enduroman... je rêve à leur exploit et plus particulièrement à leur traversée de la manche... un truc de fou ! 17 ou 20 H là-dedans, entre Douvres et Calais. Quelque part je le désire mais mon cerveau me reconnecte à la réalité quand j’enchaîne mes mouvements alors que ma montre n'indique que 100m puis 110, 115... allez courage Nico plus que... 5 kilomètres !!! ou plus... lol
Au loin le ballet de planches à voile m'intrigue avant de m'inquiéter. La mer continue de monter et les vagues blanchissent au moment d'atteindre la plage. Je décide de prendre un peu plus le large pour éviter de prendre trop de baffes et avaler des litres d'eau salée à
chaque respi du côté gauche. Je passe devant les termes, c'est là qu'il y a deux ans on faisait notre sortie à l'australienne, pendant la nat de l'Ironcorsair. Que de souvenirs ! Et ouais Dany aussi y était, un signe peut-être :).
Je continue d'enchainer les trois temps et très vite j'atteins le 1er kilomètre après seulement 20 minutes. Je me sens bien et j'avoue prendre un peu de plaisir à engranger les "mètres". Je me rapproche progressivement de l'école des véliplanchistes et j'opte pour un écart près du bord pour ne pas gêner ou me faire embrocher. Les vagues sont
pénibles et régulièrement je prends de belles baffes au moment de sortir le nez de l'eau. Je décide alors de nager en 4 temps, toujours du côté droit pour palier à ces problème. De temps en temps je jette quand même un œil devant pour localiser les planches. De temps en temps mes mains touchent le sable tellement je suis prêt du bord. Je ne vois pas le
fond, les remous des vagues font voler le sable et les algues. Sur le sillon, les voitures ont leurs phares allumés comme le ciel s'assombrit. Les marcheurs, certes rares, sont chaudement habillés et capuchés quand ils n'ont pas de parapluie. Je ne sais même pas s'ils me voient, ou alors je ne suis qu'un fou de plus pour eux.
Je passe la dernière planche alors j'en profite pour reprendre un peu le large et retrouver un mer transparente et moins agitée. Déjà 1600m de fait, du coup je sais que j'en ferai au moins 3200 ; mais je compte bien en faire plus, lol, je n'ai pas fait autant de route pour si peu, lol'2. Plus j'approche du bout du sillon, plus je me sens porté par le courant,
c'est vraiment agréable mais je crains pour le retour.
La mer devient plus sombre, dans les tons marrons et une odeur bizarre, type "poisson pourri" se dégage plus j'approche dus rochers. Les algues aussi se multiplient ; ce côté "agréable" de caresser les algues des mains ou du visage me fait encore penser à l'Enduroman... traverser la Manche en esquivant les troncs d'arbres, les méduses, ou pourquoi pas passer dans une zone de dégazage, se retrouver nez à nez avec un phoque comme la célèbre L9 du la cale de Pleudihien... ouuuu ça donne envie !
Bref, voilà déjà 2000m au compteur avec à peu près 40 minutes à la Garmin, au moment de faire demi-tour. Il pleut toujours autant mais peu m'importe je nage.
Par contre je me rends très vite compte que je suis à contre-courant. Il me faut redoubler d'effort pour garder une allure digne de ce nom et ce, malgré les 1/2 paddles. Les épaules chauffent et je décide de m'éloigner d'avantage du bord pour pouvoir être plus à l'aise et moins chahuté par les vagues de plus en plus fortes et "moussantes" :)
L'eau reste trouble dans ce bout de mer. J'aperçois, loin devant le balai des planches, mais... loin. Grrr
Je continue de forcer un peu plus qu'à l'aller. Je commence à ressentir des crampes dans le mollet droit. Je bats un peu des pieds pour essayer de faire circuler le sang mais je sais que c'est temporaire. Va falloir que je trouve une soluce efficace pour contrer ce bug, ça me gave !
2100, 2200, 2300... le cou commence à son tour à me brûler ; j'arrête de nager pour essayer d'ajuster mon tour de cou et je repars. A peine 50m et je retente de mieux le positionner mais rien n'y fait.
Après encore une centaine de mètres encore je l'enlève finalement, tant bien que mal... pas évident quand on ne touche pas le sol de rester hors de l'eau pour enlever un tour de cou, lol. Je l'insère dans la combi et c'est reparti avec un filet d'eau fraîche qui me rentre dans le dos et glisse le long du bras droit. Brrrr ce n'est pas si chaud que ça du coup, mais bon plus que... ben encore la moitié du coup.
Je reprends une nage correcte en forçant un peu moins, sans doute le courant qui est moins fort. Quelques algues encore qui me caressent le visage, pffff ça fait bizarre quand tu ne les vois pas arriver ; je m'imagine dans la manche, quelque part entre Douvres et Calais, à 3 heures du mat'... au milieu de ces algues, sans un bruit avec pour seul "copain" le vide et un bateau qui avance à deux et demi à l'heure. T'es là, stress en poche, la nuit, avec une algue qui vient de frotter le nez, mais si c'était une méduse, un phoque, un marsouin, euh....
brrrrrrrr, on change de chapitre et on rallume la lumière !
Les bras continuent de tourner, déjà 3000m au chrono, un peu plus d'une heure et les frottements dans le cou entre la combi et la peau sont de plus en plus douloureux, ça me brûle. Heureusement la fraicheur de l'eau atténue un peu cette sensation mais je crains le résultat final. Je slalome entre les planches qui sont bien plus espacées qu'à l'aller,
pas question de rester sans s'en soucier, il y a beaucoup de débutants, alors je reste sur mes gardes, avec une pointe de stress quand même.
3100, 3150, 3180, aïe aïe aïe, ça brûle et maintenant c'est le bracelet de ma montre qui me pince la peau avec la combi. Décidément cette "petite" sortie va me permettre de tirer beaucoup d'enseignements, il faut voir le positif même si sur le moment tout n'est pas agréable. 3400, 3500, je commence à revoir le point de départ mais j'ai envie d'aller plus loin, ne pas m'arrêter à une "simple" distance Ironman ; 3800 ça devient trop "banal".
Le courant semble désormais être plus favorable et malgré les brûlures au cou j'avance avec beaucoup de plaisir et aussi de fierté ; l'exploit de Marine, Perrine, Cyril ou Dany me donne des ailes et me fait relativiser sur cette discipline que je n'aime pas. Je regrette presque de ne pas m'être mis plus tôt à nager en mer, aussi longtemps. Mais bon sans réel objectif on n'a pas vraiment l'envie ou le besoin alors on ne s'y met pas.
Les 4000m après 1H35 sont passés et je décide de poursuivre jusqu'au fort, près de l'entrée d'Intra-Muros. Je nage le long des brise-lames ; le décor est splendide. Le ciel gris foncé derrière les immeubles fait ressortir ces derniers, avec les vagues de mousses à quelques mètres de moi on se croirait un soir de tempête, mais en moins pire heureusement.
Ces couleurs orangées et bleutées sur ce fond gris me donnent la chair de poule, je me sens bien dans cette eau fraiche, c'est con, comme quoi parfois les petits plaisirs ne tiennent pas à grand chose. Au loin derrière le fort, j'aperçois la côte de Dinard, j'ai trop envie de pousser plus loin la balade... une autre fois pourquoi pas.
Je passe le casino et je vois tout près les "murs" d'Intra. Allez, soyons sage, déjà 4700m au compteur il est temps de faire demi-tour, ce soir je dois être au boulot à 20H30 !
Ouch... le courant s'oppose à ma progression, le retour va être long, il doit rester 8 ou 900m je ne sais plus trop.Bizarrement dans ce sens mes respirations du côté gauche, celui de ma
montre et du large, sont synonymes de claque et de tasse d'eau salée. Bizarre, alors je reprends le 4 temps. Mes crampes se multiplient dans les deux mollets, m'obligeant à nager la brasse avec les jambes et le crawl avec les bras ; essayez vous verrez ce n'est pas évidement du tout mais c'est pratique pour les crampes, mais temporaire malheureusement.
Je ne vois plus que les bâtiments du sillon et les brise-lames pour éviter de boire la tasse. Je distingue à peine les passants capuchés, ceux avec les parapluies, les bus et les voitures éclairés dans cette ambiance sombre.
Quelqu'un me verrait-il si je criait au-secours ? Bonne question, je préfère ne pas avoir la réponse, je suis bien, petit au milieu de cette immensité mais bien. Un kayak à côté ce s'rait sympa, on verra la prochaine fois ; avoir à bore de temps en temps, une parole, un mot, histoire de ne plus être tout seul même si ça fait du bien. Je suis loin de tout, loin de mon portable, de candy crush, de mes mails, de mes soucis.
Une première barrière perpendiculaire de brise-lames passe, à la prochaine il sera l'heure de sortir.
Le courant est contre moi mais j'appuie un peu plus sur les paddles et ça le fait.
Les crampes reviennent, repartent, comme la brûlure du coup, tant pis on fait avec, mais il faudra que je vois avec les habitués ce qu'ils peuvent me donner comme solution pour les éviter. A vos claviers les jeunes !
La deuxième barrière approche et déjà 5500m au chrono, le pied, j'ai pourtant envie de rester dans l'eau et de continuer... pour un gars qui n'aime pas nager c'est encourageant !
5530, 5550, 55560, je vire à droite et me fais secouer par les vagues plus j'approche du bord.
5575, 80, 95...
Voilà, après 5601 m de nage je sors de l'eau, fier de ma sortie et ravi d'avoir créé un nouveau record perso, tout ça pour 2H15, soit 2'25 au 100m. Et dire que Dany ou Cyril tournent à 1'30, rapporté à mon niveau ça me ferait presque un tour d'horloge pour traverser la Manche, oh putain de dieu !!! Et encore là, j'avais les 1/2 paddles...
Ma marche est difficile, je titube, mes pieds semblent avoir du mal à fixer l'équilibre.
Sous les yeux étonnés d'un couple habillé jusqu'au nez j'enlève mes paddles, mes lunettes et mon bonnet avant de dégrafer le haut de ma combi. En passant la main sur le coup, je sens que c'est gonflé... ça va piquer ce soir au taf cette connerie.
J'ai les pieds frais mais une fois sur le bitume qui me ramène au commissariat je ne sens pas plus que ça les graviers et autres aspérités du revêtement, je suis immunisé, lol.
Au moment d'arriver devant le portail du ciat, les collègues partent en inter, je reconnais Jean-Marie qui me salue. Je profite de l'ouverture pour rentrer das le garage et me désaper près de ma moto. J'ai de plus en
plus froid alors je m'habille... mais avec mes vêtements mouillés, que du bonheur... le retour va être agréable, je le savoure déjà.Je vais rapido et tremblant à l'intermarché d'à côté acheter une canette de coca et une boite de déli-choc comme je n'ai pas de monnaie pour la cafet du taf malouin. Je vide la boite et avale les bulles avant de mettre mon pantalon de
pluie, mon blouson détrempé et ma cagoule "humidement" froide avant de chausser le casque et les gants de cuir plus qu'humides.
C'est parti pour 75 bornes de flotte...
Le départ est potable il ne pleut plus trop, les voitures sur la 4 voies ne me balancent pas trop de flotte, mais un peu quand même alors je reste sur la voie de gauche. Le compteur oscille entre 80 et 95, pas plus, j'appréhende l'aqua-planning. A partir de Chateauneuf la pluie redouble d'intensité. La visibilité diminue, les gouttes s'amoncellent sur la visière, c'est l'enfer. J'aurais du, j'aurais pu... aller chercher la Mégane, tant pis, c'est fait, on verra la prochaine fois. Le dernier album de calogéro dans les oreilles me réchauffe un peu.
Le ciel devient de plus en plus gris, il fait sombre, c'est l'horreur sur la route. Des ballets de bagnoles en face mais aussi de mon côté, on voit que les journées magasin sont terminées, il est 18H15. J'ai froid, je me sens mouillé et j'ai trop peur de glisser et d'aller me vautrer sous la glissière... pourtant je suis prudent et je ne dépasse pas le 90/95.
Les kilomètres défilent, Tinténiac, Hédé, Vignoc...
Le ciel s'éclaircit et la pluie diminue quelque peu mais ce peu c'est déjà ça. La musique dans mes écouteurs s'est éteinte, je pensais pourtant avoir chargé au max la batterie, tant pis.
Enfin Montgermont, je sors pour m'engager sur la D29 en direction de Pacé ou une douche bien chaude m'attend. Encore ce rond point à passer en dépassant prudemment et en première la
file de voitures cul à cul dans ce rond point mal étudié. Je stoppe enfin la transalp sous le porche de mon appart. Les pas qui me mènent à l'appart font floc-floc-floc...
Je vous passe la suite, je vous laisse la deviner... bien sûr encore de l'eau, mais chaude cette fois, en musique !
J'ai déjà hâte d'y retourner c'est dire si ce putain de défi Enduroman... pour ne pas dire "Endure le mal" pour le moment inaccessible et dénué de toute logique me fait briller les yeux. Mais pourquoi, il parait que je n'ai rien à prouver à personne à part peut-être à moi-même mais quoi ? Peu importe, j'aime les choses originales, les choses que personne d'autre ne fait ou peu de personnes font, les choses qui changent de la routine. Et à celles ou ceux qui me disent que c'est un truc fou, débile, irresponsable, dangereux, je répondrai qu'il faut bien "mourir" de quelque chose, alors si c'est en s'épanouissant ou en se faisant plaisir c'est mieux que dans sont lit ou dans un accident de la route à cause d'un alcoolo.
L'homme est capable de beaucoup quand son mental et son organisme sont de paire, alors tant que je pourrai utiliser mes jambes, mes bras et mon corps pour faire tout ce que je peux, je ne m'en priverai pas, ne serait-ce que par respect pour celles et ceux que la vie n'a pas épargné au point de les clouer dans un fauteuil ou sur un lit, à vie !
Merci de m'avoir lu, en espérant vous avoir fait profiter au mieux de cette expédition que j'ai eu malgré tout les éléments extérieurs défavorables, beaucoup de plaisir à vivre.
@llez, la suite au prochain épisode ! Bye...