Hello,
le 7 mai 2001, il était 1H du mat quand quelqu'un a décidé que pour toi la route prenait fin...
20 ans c'est si loin, mais j'ai encore l'impression de revivre cette annonce, toujours la chair de poule en repensant à ces minutes, quand j'étais au poste à Louviers...
Les gendarmes qui passent et me demandent :
- Ils sont implantés où tes collègues ?
- Ben je ne sais pas, sur la circo pourquoi ?
- Non sur le plan épervier...
- Quoi ? Quel plan épervier ?
- Mais si pour ton collègue qui s'est fait tirer dessus à Evreux ?
- Hein, quoi ? Un collègue qui s'est fait tirer dessus à Evreux ?
- Oui par des mecs dans une BM noire, t'es pas au courant ?
- Ben non... merci je les appelle... je vois ça.
- * -
- Allo, Evreux, salut c'est Nico de Louviers, qu'est ce qui s'est passé ?
- Un collègue sur un contrôle il a essuyé des tirs.
- C'est qui ? Qu'est-ce qu'il a ?
- J'peux pas te dire..
- Putain de merde, t'es con ou quoi, c'est qui ?
- Je ne peux pas te dire...
- C'est Gilou c'est ça ?
- euh... Oui, mais...
- Putain, non... qu'est ce qu'il a ? Dis moi qu'est-ce qu'il a ?
- Ben... j'peux pas te dire...
- Putain de merde, non, pas ça...
J'en ai encore les larmes aux yeux mon pauv'Gilou... et ça ne passe pas ! Chaque année, ce 7 mai reste gravé, chaque année c'est dur d'y repenser, les autres jours aussi, il n'en passe aucun sans que je n'y repense ; c'est la vie...
Même si aujourd'hui tes "femmes" semblent heureuses et épanouies, je n'ose imaginer à quel point tu leur manques énormément.
La nuit passée, lors d'un contrôle, un de mes collègues a été projeté au sol par une voiture dont visiblement le chauffeur n'avait pas l'intention de nous laisser lui "parler"... après ce chauffard, n'a pas hésité a percuter notre voiture quand on a voulu le bloquer pour ne pas se laisser contrôler.
Finalement, son état et sa conduite ont eu raison de lui, mais heureusement il n'a blessé personne d'autre en finissant sa course sur ce rond-point.
Tu vois Gilou, il y a 20 ans les chauffards n'acceptaient déjà pas le moindre contrôle, tu en as fais les frais ; aujourd'hui, après le passage de tous ces différents ministres, ces gouvernements ravis d'annoncer des changements le résultat est le même. Heureusement le collègue est sorti de l'hosto ce matin.
La vie d'un flic ne vaut pas plus cher aujourd'hui qu'en 2001 !
Que les flics soient insultés, tabassés, égorgés comme la malheureuse Stéphanie à Rambouillet ou encore, abattus froidement par balles comme ce collègue du groupe d'intervention, hier à Avignon, on se dit que chaque jour les faits divers "police" fleurissent les journaux... plus souvent d'ailleurs les petites lignes malheureusement que les gros titres, sauf s'ils sont mis en cause ! Là par contre on sait faire, pas de présomption d'innocence, pas d'enquête, directement sur le pilori !!!
Je m'demande de plus en plus pourquoi je reste là... la "sécurité de l'emploi", c'était bon avant, maintenant chaque jour et chaque nuit nous apporte son lot de difficultés, ses soucis, ses blessures quand ce n'est pas pire... on encaisse, on rumine, certains malheureusement ne supportent pas et décident de mettre un point final à tout ce qui leur pèse sur les épaules, dévastant par la même occasion une famille entière...
Il me reste sans doute une once de passion, un poil de d'envie, un zeste de pensée positive pour toutes celles et ceux qui nous respectent, nous soutiennent et qui nous rappellent chaque nuit que notre boulot, pas grand monde n'accepterait de le faire !
Comme la majorité de mes collègues, je suis cloisonné par cette obligation de salaire pour "rester en vie", mais sans ça je n'hésiterais plus à mettre en bas de la lettre, "merci pour le positif, adieu la police et bon courage à celles et ceux qui ont le courage de rester, ma vie ne vaut plus que je reste dans vos rangs !"
La police se meurt, la gendarmerie aussi, la pénitentiaire, l'hôpital... bref toutes celles et ceux qui chaque jour, chaque nuit pansent les plaies de la société.
Allez, j'arrêt là, à la r'voyure !